Simultané

La dernière fois, nous avons vu qu’il est possible de décliner le thème de l’expo à partir de la dimension strictement temporelle.

Ce soir, au plus proche du sens conventionnel du titre de l’expo (ici et l’ailleurs), il sera question d’espaces. Plus exactement, de télescopage d’espaces. Nous essayerons de voir comment la technique ou les technologies reconstruisent des espaces.

Carrosse, voiture, avion, etc. la chose est entendue depuis longtemps : la technique produit de l’énergie, laquelle permet l’augmentation de la vitesse qui, à son tour, engendre de nouveaux rapport à l’espace, notamment, lorsque tout ceci concerne le transport humain.

La crise sanitaire confirme le constat d’une planète confinée dans un espace unitaire et ultra balisé, n’offrant plus guère de terra incognita. La mondialisation impose le raccourci permanent de nos distanciations. Le même modèle de développement est répliqué aux quatre coins du globe, d’où l’uniformisation des représentations humaines, fussent-elles certifiées united colors. Bref, on tourne en rond pour de vrai et l’horizon se raccourci.

Autre exemple, tout aussi actuel : les technologies numériques, via l’écran, qui, notamment par (pour) le télétravail, permettent soit-disant de « mieux concilier la vie professionnelle et la vie privée » . Dit autrement : comment on peut se retrouver à être obligé de rassembler dans un même espace autant de tranches de vie qui jusque-là étaient distinctes les unes des autres et, surtout, se jouant dans des espaces différenciés.

On est en plein dans le sujet : comment, tout en étant ici, je suis aussi ailleurs ? De quelle façon embarquer mon travail à la maison ? Comment mon domicile m’emploie ? Comment mon travail m’habite ? Tâches ménagères, tâches familiales, tâches professionnelles. Séquentiel ou multitâche ? Mon chou, mon cher, mon chef ; tout passe pourtant par le même réseau mais le triage m’écartèle. Où ai-je mis le dossier ; sur le canapé, au bord de la baignoire ou près du mixer ? Comment diable tout ceci s’intube, s’assemble, s’effeuille, se superpose, s’emboîte, ou s’agglutine ?

Les réponses ne sont pas faciles.

On sait que la question est particulièrement clivante et pour cause : dans un monde, certes, unitaire mais inégalitaire, la question du télétravail ne peut être que clivante.

Car, quelle que soit la façon dont c’est cuisiné - bouillabaisse, tranche napolitaine ou salade niçoise - le point déterminant de l’affaire reste l’espace physique dans lequel se joue l’action de télescopage des différentes séquences de vie et là, avec la meilleure imagination du monde et malgré les technologies les plus innovantes, un petit appartement sera toujours un petit appartement.

L’exercice du soir : La grande Chartreuse